Réaction de David Cormand, SN d’EELV au texte de Nicolas Hulot, ministre de la transition énergétique publié dans «le JDD».

David Cormand, secrétaire national d’Europe Ecologie-les Verts réagit au texte du ministre de la Transition écologique et des Transports publié dimanche par «le JDD».

Dimanche 8 avril, Nicolas Hulot a publié dans le JDDune tribune pour soutenir la réforme de la SNCF.

A sa lecture, difficile d’échapper à un profond sentiment de malaise quand on est écologiste.

Si dans ce texte, le ministre de la Transition écologique et solidaire exprime à maintes reprises son «amour» pour le train et les cheminots, on ne peut s’empêcher de penser à la formule célèbre : «Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour.» Or ici, beaucoup de déclarations, et peu de preuves. Ce constat est d’ailleurs celui que l’on fait trop souvent sur la place de l’écologie dans ce gouvernement : beaucoup de déclarations d’intentions, très peu d’actes. Recul sur le nucléaire, remise en question de la filière française de l’éolien offshore, menace sur l’occupation pacifique et alternative des terres de Notre-Dame-des-Landes, échec des états généraux de l’alimentation avec la reprise en main du ministre de l’Agriculture et les lobbys, imploration à «l’indignation» des député·e·s de la majorité quand l’urgence serait d’agir, feuille de route insignifiante présentée à l’Europe sur les propositions de la France pour la lutte contre la pollution de l’air. Bref, cela ne va pas. Par son silence, Nicolas Hulot avait jusqu’à maintenant essayé d’agir tout en évitant de cautionner les renoncements du gouvernement dont il est censé être le numéro deux. Avec cette tribune, un seuil a été franchi.

Biais

Pourtant, la question centrale pour une réforme souhaitable de la SNCF est la question écologique.

Nicolas Hulot use et abuse de la référence à la dette de la SNCF. Or, cette dette n’est en rien liée au statut des cheminots. Elle est principalement liée au surinvestissement effectué dans les TGV au détriment des autres lignes. Ces investissements ne viennent pas de nulle part. Ils sont le résultat de décisions de l’Etat. Appréhender la réforme de la SNCF par sa dette constitue un biais qui nie le véritable sujet : le train souffre structurellement de la concurrence déloyale de la route et du transport aérien. En effet, la quasi-totalité des coûts de construction et d’entretien des infrastructures routières sont pris en charge par l’Etat et les collectivités locales. Ces infrastructures sont mises gratuitement à la disposition des usagers, notamment pour le transport de marchandises. Pire, la seule redevance collectée pour l’usage des routes, les péages autoroutiers, est concédée à des concessionnaires privés qui jouissent d’une rente disproportionnée par rapport aux services qu’ils rendent. Ajoutons à cela la niche fiscale accordée au gazole professionnel, et on constate que le gouvernement maintient un bonus pollution au détriment du rail. Nicolas Hulot annonce triomphalement 36 milliards d’euros d’investissement de l’Etat pour le réseau ferré sur dix ans… Rappelons que les infrastructures routières représentent en investissement et en entretien pris en charge par les collectivités 16 milliards d’euros par an, que le coût des accidents routiers, pris en charge par la collectivité, représentaient 33 milliards d’euros en 2015 et que la pollution de l’air représente, toujours pour la collectivité, un coût de 101 milliards par an.

Nicolas Hulot écrit que cette réforme est faite pour «aider les Français à choisir le train lorsque c’est pertinent». Il fallait oser. Faut-il rappeler que c’est le ministre Macron qui a créé les «cars Macron» pour concurrencer les lignes SNCF entre les villes qui étaient reliées de façon directe par le train ?

Nicolas Hulot plaide pour l’ouverture de la concurrence à la SNCF comme solution pour permettre d’accéder à des services de meilleure qualité et moins cher pour les usagers. Il s’appuie pour cela sur l’exemple de l’Allemagne. Il oublie de signaler que l’Allemagne a repris l’intégralité de la dette de la Deutsche Bahn. Mais surtout, nous avons déjà un retour d’expérience sur l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire en France : depuis l’ouverture à la concurrence, le volume de marchandises transportées par le rail a été divisé par deux. Selon quelle pensée magique en serait-il autrement pour le transport de voyageurs ?

Règle d’or

Pour Nicolas Hulot, «tout le monde peut le comprendre, dans une entreprise qui perd de l’argent, l’avenir des salariés ne peut pas être garanti», écrit-il… On s’étonne de cette approche pour une mission de service publique. Mais surtout, depuis 2007, la SNCF a réduit ses effectifs de 25 000 salarié·e·s alors que la dette est passée dans la même période de 33 à 52 milliards d’euros. La SNCF perd de l’argent essentiellement à cause des frais financiers liés à «sa» dette, et d’une concurrence déloyale de la route et de l’avion encouragée par le gouvernement.

C’est pourquoi une réforme ambitieuse de la SNCF doit prévoir la prise en charge de la dette de la SNCF par l’Etat. Comment financer cette reprise de dette ? Par une redevance camion et aérienne, la nationalisation des autoroutes et la suppression de la niche fiscale accordée au gazole. En clair, les transports qui polluent payent pour les transports qui ne polluent pas ou moins.

Cette réforme doit concevoir le rail et la SNCF comme un service public ayant pour mission de garantir l’égalité des territoires et d’accélérer la lutte contre le changement climatique. Le fret ferroviaire doit être favorisé par les mesures fiscales indiquées, des dispositifs législatifs contraignants et par un volontarisme chiffré et évalué de transfert modal de la route vers le train.

Sur les investissements, un moratoire sur les nouvelles lignes TGV doit être décidé ainsi que sur le projet de nouvelle liaison Lyon-Turin. Les projets routiers comme le contournement Est de Rouen ou encore celui de Strasbourg doivent être abandonnés. La modernisation des réseaux existants doit être la règle d’or pour un argent public bien dépensé.

Bref, si on «aime le train», c’est une tout autre réforme de la SNCF qu’il faut entreprendre. Les solutions existent. Elles sont écologistes. Encore faut-il que le gouvernement le soit.

David Cormand secrétaire national d’Europe Ecologie-les Verts (EE-LV)

 

Remonter